L’Océan Atlantique dans son immensité dépose sur la route du maxi trimaran IDEC SPORT son corollaire de difficultés climatiques… Comme chacun peut le constater en hémisphère Nord, les masses d’air s’affrontent avec virulence et les conditions de navigation évoluent avec rapidité sur la route qui mène à Londres, terme de cette tentative contre le record de la Route du Thé. L’épisode alizéen touche ainsi déjà à sa fin pour Francis Joyon et ses hommes.
L’allure au plus près du vent de secteur Nord Est, sur une mer apaisée, a permis de privilégier dans des conditions favorables à la bonne santé du bateau, une route plein Nord, cap sur l’archipel des Açores. Une voie très optimisée par rapport aux routages initiaux qui voyaient le grand trimaran rouge et blanc effectuer une vaste boucle dans l’Ouest des îles portugaises. Avec l’évanouissement prévu en soirée et demain de l’alizé, Francis, Christophe, Bertrand, Antoine et Corentin vont retrouver les affres des tout petits airs au coeur de l’anticyclone qu’ils n’ont d’autres options que de traverser. De forts vents portants circulent à grande vitesse au Nord de l’archipel. De leur aptitude à les capter dépend l’issue et l’ampleur de leur tentative sur cette route historique des grands clippers d’autrefois entre la Chine et la vieille Europe, une voie maritime complexe et décidément truffée de surprises.
Cap sur les Açores !
Tortueux à souhait en sa façade Sud, l’Atlantique septentrionale affiche un profil plus familier aux hommes d’IDEC SPORT. La partie alizéenne se termine aujourd’hui pour le maxi trimaran qui s’est joué sans dommage d’une navigation au plus près du lit du vent, à peine entravée par un clapot un temps défavorable, mais qui s’est rapidement aplani pour permettre le passage sans effort du bateau. « Après plus de 13 000 milles de navigation sur le fond, on redoute toujours de voir le bateau taper dans la mer » explique Francis. « Dès que la houle s’est allongée et aplanie, nous avons pu privilégier une route plein Nord, qui nous a fait gagner de nombreux milles. » Si les grandes glissades à près de 40 noeuds, expérimentées dans l’océan Indien, ne se sont pas renouvelées en Atlantique, IDEC SPORT a malgré tout conservé une très bonne vitesse moyenne, 19,7 noeuds depuis Bonne Espérance, portant à près de 300 milles son avance sur le tenant du titre, l’équipage italien du trimaran Maserati.
36 heures difficiles à venir
« Nous allons passer très près des îles Açoriennes » poursuit Francis. « Nous craignons le dévent des sommets volcaniques et nous nous donnerons un peu de marge. On se sent comme à la maison depuis le passage de l’équateur. Les phénomènes météos nous sont familiers. Certes, les dépressions en cet hiver sont bien creuses, mais aux allures portantes, le bateau encaisse bien vent fort et mer formée. Passées les Açores, on attend des flux de Sud Ouest forts, plus de 30 noeuds, avec des creux de l’ordre de 6 mètres. Nous savons que le bateau passe bien dans ces conditions. » Mais avant cela, 36 heures difficiles attendent Francis et ses marins avec la traversée de l’anticyclone. « Les fichiers ne voient la nuit prochaine que 3 ou 4 noeuds de vent. Si la mer est bien rangée, les voiles claqueront moins et on sera en capacité d’avancer cahin-caha. Nos routages actuels nous voient aborder la Tamise mercredi prochain 19 février. On vient de terminer notre dernier sac de nourriture. Reste le lyophilisé. Ce n’est pas ce que nous préférons et je constate que cela aiguise la combativité de l’équipage, qui a du coup très envie d’arriver… (Rires) »
Un week-end sous haute tension
On le voit, les difficultés sont encore nombreuses sur la route qui mène à Londres et l’équipage d’IDEC SPORT va connaître un large éventail de conditions. Leur avance portée ce matin à plus de 300 milles, va décroitre quelque peu en cette 28ème journée de course, à un moment où Giovanni Soldini et ses hommes connaissaient de belles conditions propices à la vitesse au plus près des rivages du Sénégal. Cette fin de semaine, et le début du week-end sont sous haute tension pour Francis et ses marins, en quête d’un accès rapide à l’autoroute des dépressions qui galopent vers l’entrée de la Manche, à 1700 milles ce matin dans leur Nord-Est.
Il a dit : Bertand Delesne
« Nous sommes depuis quelques jours soumis au régime lyophilisé. Toutes les bonnes choses ont été mangées! Mais avec Christophe, on a trouvé un peu de farine et ce matin, c’est pancakes pour tout le monde! Nous n’avons guère connu de grands moments de hautes vitesses euphorisantes comme dans l’Indien. On compose avec ce qu’on a, et on mesure l’extrême difficulté de ce record. On a connu 5 à 6 passages de front dans l’Indien. L’Atlantique Sud a été totalement imprévisible et peu coopératif. On espère bien enchainer ces prochaines heures entre Anticyclones et vents portants de Sud Ouest. Personnellement, j’ai beaucoup appris durant ce long voyage. On prend les difficultés comme elles viennent, un dossier à la fois! L’anticyclone s’installe, la mer s’est calmée, on a un beau ciel d’alizé. On va voir les Açores! C’est cool! »