Les mines réjouies des marins lors de la visio-conférence en direct d’IDEC SPORT ce matin faisaient plaisir à voir. L’équipage de Francis Joyon est en passe de gagner son pari, à savoir ressortir du bon côté de la dépression tropicale qui descend de Madagascar. Dans le sillage du grand trimaran, ça fume : 450 milles repris en deux jours et demi.
Moins de 350 milles de retard contre 800 dimanche : IDEC SPORT engrange les milles à vitesse grand V. Là-bas dans le Grand Sud, Francis Joyon et ses cinq hommes d’équipage envoient de la bâche avec un mot d’ordre simple : tenter le plus possible de rester au-dessus de 30 nœuds et tricoter au plus court de l’orthodromie. Très bas dans les Cinquantièmes Hurlants, entre 52 et 54 degrés Sud.
Au plus vite au plus court
Une recette qui n’a rien de miraculeuse mais est bien, au contraire, le fruit d’une stratégie mûrement réfléchie avec Marcel Van Triest, le routeur à terre. Selon lui, le risque icebergs est moins grand que voilà quarante-huit heures, quand une énorme masse de 150 mètres a été repérée au radar. La piste semble plus claire maintenant… il faut foncer !
A l’attaque donc, au plus vite et au plus court. Quitte à descendre plus sud qu’aucun multicoque n’est jamais allé pendant un record. Comme hier soir, quand IDEC SPORT a empanné par… 54°31 Sud, après être passé au sud des îles volcaniques Heard. « C’est un volcan enneigé encore en activité, on espérait en apercevoir les fumées mais on n’a rien vu » témoigne Francis Joyon. Marcel Van Triest – cinq tours du monde au compteur – se souvient que lors des premières Whitbread et des premiers Vendée Globe sans « portes des glaces » à respecter, quelques monocoques sont déjà passés aussi bas. Mais pas des multis. Bref, c’est très sud. Et très froid. Dehors, les mains et le visage gèlent et on doit relayer le barreur très souvent, parfois toutes les demi-heures. A l’intérieur du bateau, malgré le chauffage rudimentaire destiné essentiellement à juguler tant bien que mal l’humidité, il fait entre 6 et 8 degrés. Pourtant, malgré ces conditions spartiates, ils ont le sourire, les marins d’IDEC SPORT. Le large sourire de ceux qui sont en train de gagner un joli pari et ne l’auront pas volé.
Du bon côté de la dépression
Car la « régate contre la dépression » est en passe d’être gagnée. Voilà la belle affaire du jour. Francis Joyon explique : « la dépression a un peu ralenti et de notre côté nous sommes allés un peu plus vite que prévu… donc ça va en s’améliorant. Nous avons maintenant de très bonnes chances de ressortir du bon côté de cette dépression tropicale ». Si on veut être plus précis concernant le passage de la dépression : celle-ci devrait passer derrière eux demain soir jeudi. « Sauf pépin technique, ils sortiront devant, c’est quasiment une certitude maintenant» estime Marcel Van Triest cet après-midi.
Francis Joyon ajoute, rigolard : « de toutes façons on est obligés de réussir car dans le cas contraire, Bernard (Stamm) nous menace de faire demi-tour ! ». L’intéressé confirme qu’il s’agit bien d’une plaisanterie, qu’il n’aura de toutes façons probablement pas à mettre sa menace à exécution, que le bateau est à 100%… et que les marins ont un gros, gros moral. On l’aurait à moins. En deux jours et demi, le commando rouge a refait plus de la moitié de son retard sur le chrono à battre. Ils ont mis la bagatelle de 450 milles dans leur escarcelle. A un millier de milles de l’aplomb du cap Leeuwin qu’ils pourraient doubler tôt vendredi matin, ils n’ont plus que 350 milles de handicap.
450 milles repris !
Alors certes, ils ne pourront pas pousser cet avantage éternellement et il faudra bien un moment, dans quelques jours, remonter vers 50 degrés sud si l’on en croit les prévisions de vent. Mais voilà déjà une excellente chose de faite. Autant la fin de semaine passée avait été difficile d’un point de vue comptable, autant le début de celle-ci est positive et excitante. « Quand on est à la barre, on est très concentré et le but du jeu est de privilégier la VMG, c’est à dire le bon compromis entre le cap et la vitesse » explique simplement l’Allemand Boris Herrmann. Avant de raconter que côté menus du bord, il y a en substance tout ce qu’il faut mais que le lyophilisé n’est pas nécessairement du meilleur goût « et que les petits morceaux de jambon préparés par Bernard sont les bienvenus ».
La banane aussi pour Gwénolé Gahinet, benjamin du bord et bizuth des mers du grand Sud qui, outre ses grands talents de marin, fait parfois tourner son logiciel de reconnaissance des oiseaux marins pour instruire l’équipage. « Là sous la casquette, on fait un peu bar de la marine pour vous » plaisantait Francis Joyon pendant la vacation en direct, passant ses équipiers pour qu’eux aussi causent dans le poste. Car il est comme ça, le pacha d’IDEC SPORT : il partage aussi volontiers le micro que ses grandes aventures maritimes. Bateau à 100%, stratégie météo validée (nouveaux empannages à 13h et 15h), hautes vitesses sur terrain clair… tous les voyants sont au vert à bord du grand bateau rouge.