Le quinzième jour de course en cette tentative contre le record du Trophée Jules Verne trouve, et comme à l’accoutumée depuis le départ de Brest le 22 novembre dernier, l’équipage du Maxi trimaran IDEC SPORT, d’une égale humeur positive et enthousiaste. Le point comptable après plus de 8 500 milles avalés sur le fond à près de 25 noeuds de moyenne, est pourtant déficitaire de 785 miles à la mi-journée, soit l’équivalent d’une belle journée de mer dans des conditions de navigation optimum pour ces super machines de l’extrême. Francis Joyon et ses cinq hommes d’équipage, Gwénolé Gahinet, Alex Pella, Boris Herrmann, Clément Surtel et Bernard Stamm ont choisi de vivre l’instant dans son extra ordinaire intensité, et de se projeter avec leurs routages plus loin dans l’est, vers le cap Leeuwin et ses promesses de vents enfin soutenu et bien orientés, pour renouer avec les performances déjà affichées, en Atlantique Nord par exemple, quand IDEC SPORT, avec son équipage réduit et sa moindre longueur, faisait mieux que rivaliser avec l’actuel détenteur du Trophée Jules Verne.
Verglas sur le pont !
Glace dans l’eau, et glace sur le bateau! c’est l’étonnante surprise du bord aux premières lueurs du quinzième jour de course ; un pont gelé, glissant, et des morceaux de glace chutant sur le pont et provenant de la surface de la grand voile. Par 52 degrés de latitude sud, IDEC SPORT navigue dans des solitudes glacées, propices à provoquer l’inquiétude chez le marin le plus endurci. Ainsi Francis Joyon contemplait-il cette nuit la vertigineuse dégringolade de la température de l’eau, « 3 degrés, 2,5… 1,5… ! » des chiffres non seulement synonymes de froid intense pour les hommes de quart, et le barreur en particulier, mais aussi révélateurs d’un environnement propice à la présence de glaces. Vigilance et observation accrue du plan d’eau sont les mots d’ordre du jour. Le barreur d’IDEC SPORT est ainsi à présent accompagné d’un second, préposé à l’observation du plan d’eau et de la cartographie des glaces depuis un ordinateur portable. « Nous avons réduit la durée du temps de barre » explique Alex Pella. « Au bout d’une heure, le froid intense attaque mains et visages, et il est plus sage de changer d’homme de barre. »
54 degrés de latitude sud
Le brouillard, omniprésent depuis les 48 heures passées dans une drôle de zone de transition peu ventée, s’est un moment levé ce matin, laissant filtrer un rayon de soleil bienvenu sur une mer uniformément grise et curieusement apaisée. « Le bateau glisse bien » poursuit Pella. « La mer est bien ordonnée, et le bateau passe en souplesse. On aimerait avoir un peu plus que les 18 noeuds de vent relevés sur zone. Ce sera pour plus tard. » La dépression qui lambine dans le tableau arrière d’IDEC SPORT va finir par le dépasser, et Joyon et son commando espèrent au plus tôt allonger de nouveau la foulée. « Nous allons devoir encore mettre un peu de sud dans notre route » explique Francis. « Probablement devrons nous descendre jusqu’à 54 degrés sud. Nous passerons loin dans le sud des Kerguelen, mais à proximité de l’île Heard, dans son nord j’espère… » L’occasion pour les 6 hommes d’équipage d’apercevoir peut-être une de ces rares et mystérieuses îles du grand sud, avec son corollaire d’animaux marins. « Nous n’avons guère vu d’albatros depuis notre arrivée dans ces contrées » raconte Francis. « Guéno et moi même en avons vu un. Il y a en revanche beaucoup de pétrels, qui nous regardent passer, comme une vache regarde passer un train… »