Pétrels, albatros, houle de plus en plus longue, et la pureté du ciel après le passage d’un front… autant d’éléments annonciateurs, aux yeux avertis de Francis Joyon et d’une partie de son équipage, de l’entrée imminente dans les contrées désertiques du Grand Sud. L’anticyclone parqué (comme disent les anglais) sous l’Afrique du Sud, interdit pour l’heure d’emprunter la route traditionnelle vers le Cap de Bonne Espérance et qui passe aux environs de 45 degrés de latitude sud. IDEC SPORT rejoindra l’océan Indien en plongeant loin vers le 50ème parallèle. Il a paré dans la matinée les dernières terres à s’offrir aux regards de ses 6 hommes d’équipage, l’archipel volcanique de Tristan da Cunha. Un joli aperçu des merveilles à venir….
Gwéno à bonne école
La nuit dernière a été mouvementée à bord du maxi trimaran IDEC SPORT. L’antagonisme du vent et de la houle orientée l’un contre l’autre a rendu la route du Grand Sud quelque peu chaotique. Le travail des barreurs n’en a été que plus compliqué, et harassant aussi. Gwénolé Gahinet, une des étoiles montantes de la voile hauturière française, découvre chaque jour un peu plus les mille et une facettes de cette circumnavigation expresse à bord d’une des machines à voile les plus rapides de la planète. « Les quarts d’une heure et demi à la barre, avec la vitesse et les vagues désordonnées vous épuisent vite » traduit-il. « C’est grisant, et heureusement, IDEC SPORT est un bateau très sain qui pardonne beaucoup d’erreurs. Il faut être vigilant à ne pas se laisser embarquer sur une vague trop rapide. Nous sommes à 100%, mais toujours en limite d’une zone rouge à ne pas franchir, celle qui met en péril certains organes mécaniques du bateau. » Le mélange des expériences du bord prend alors tout son sens quand des garçons comme Bernard Stamm ou Alex Pella peuvent, avec Francis, partager leurs immenses vécus sur tous les océans du globe.
Rejoindre les cinquantièmes hurlants
A moins de 1 500 milles du cap de Bonne Espérance, IDEC SPORT tient un tableau de marche toujours aussi rapide, sur une trajectoire des plus efficace. Francis Joyon, sans verser dans un optimisme béat, voit d’un oeil plutôt favorable sa gestion d’un Atlantique Sud peu coopératif avec les chasseurs de records. « Je pensais perdre davantage de temps dans le franchissement de cette zone de transition au large du Brésil » explique-t’il. Si nous parons Bonne Espérance avec une quinzaine d’heures de retard, ce sera pour nous un bilan satisfaisant. » Léger, équipé du « petit mât » construit pour l’exercice du solitaire lors de la dernière Route du Rhum, IDEC SPORT s’est jusqu’à présent montré parfaitement adapté aux conditions du parcours. « Nous pouvons exploiter tout le potentiel du bateau » souligne Gwéno, « et nous en apprenons chaque jour davantage sur son fonctionnement, sur des micro réglages… » A plus de 33 noeuds en VMG, (vitesse de rapprochement vers un point donné), IDEC SPORT s’enfonce dans les grandes solitudes maritimes, pour le plus grand bonheur des Gwéno, Bernard, Boris, Clément, Alex et Francis, tous habités de leur propre joie intérieure à l’idée des aventures à venir.