23 jours après son départ de Hong-Kong dans le cadre d’une tentative contre le record de la Route du Thé, le Maxi Trimaran IDEC SPORT affronte ce si délicat moment de navigation constitué par la traversée de la Zone de Convergence Intertropicale, le pot au noir. Un épisode de grand instabilité climatique qui vient s’ajouter à un long et lent week-end consacré à la négociation d’une vaste zone de calmes de part et d’autre de l’Equateur.
Francis Joyon, Christophe Houdet, Antoine Blouet, Corentin Joyon et Bertrand Delesne, dans l’étouffante chaleur équatoriale, ont bataillé ferme 48 heures durant à maintenir un semblant de vitesse, cap plein Nord, pour couper au plus court ce secteur déserté par Eole. Le bilan comptable demeure positif pour les hommes d’IDEC SPORT, dont l’écart avec le détenteur du record, l’italien Giovanni Soldini, un moment tombé à 23 milles, repart malgré tout à la hausse. Le salut n’est plus très loin, matérialisé par de bons gros alizés de Nord Est, en activité moins de 50 milles devant les étraves du trimaran rouge et blanc
Le pot au noir au menu du jour
« Nous n’avons pas encore rencontré de conditions typiques d’un pot au noir virulent » décrit Francis Joyon. « On aperçoit seulement depuis quelques heures ce matin de grosses lignes de nuages noirs. Nous ne sommes pas encore sortis d’affaire et cette 24ème journée de navigation nous réserve certainement encore quelques désagréments. Ce n’est pas encore l’heure des très hautes vitesses. » Tout l’équipage d’IDEC SPORT, malgré une avance effondrée en quelques jours de près de 800 milles, s’estime logé à belle enseigne. « Nous avions nous aussi sérieusement considéré l’option suivie en 2018 par le tenant du titre Maserati » poursuit Francis, « avec cette route au plus court, travers au golfe de Guinée, au ras des côtes africaines. Mais elle présentait nombre d’inconvénients matérialisés par de nombreuses zones très orageuses, suivies de grands calmes blancs. Notre route initiale nous conduisait au plus près des côtes du Brésil, afin de couper le pot au noir loin dans l’ouest, en sa partie la plus étroite. Mais vendredi dernier, une petite dépression tropicale s’est rapidement formée sur notre route, que nous avons dû contourner par l’Est, d’où notre cap du week-end, plein Nord dans ce marasme météorologique précurseur au pot au noir. »
Objectif alizés !
Petites vitesses et grandes chaleurs sont toujours au programme de la journée. L’avenir, une fois le pot au noir définitivement dans le tableau arrière du maxi trimaran, s’annonce plus classique, avec des alizés de Nord Est bien établis, et un raccordement délicat mais intéressant à négocier avec les dépressions d’Atlantique Nord du côté des Açores. Loin de toute lassitude, l’équipage reconnait une certaine fatigue due à la difficulté, voire l’impossibilité, de trouver un vrai sommeil réparateur dans la chaleur de l’équateur. Le petit temps exige aussi, plus que jamais, une grande efficacité à la barre et des réglages millimétrés, sur une mer certes aplanie, où commence à se lever une houle annonciatrice des vents de Nord Est. L’énergie, et la difficulté de charger les batteries du bord, fait aussi l’objet de toutes les attentions. « Nous naviguons à l’économie » explique Francis. « Notre gas-oil est quasiment épuisé. Seules les éoliennes et nos batteries solaires sont activées, mais le bateau est gourmand en énergie et nous devons nous rationner, en coupant souvent toute l’alimentation électrique du bord. »
A 3 200 milles du but, et à 13 jours de l’échéance du record, tout l’équipage d’IDEC SPORT ne rêve plus que d’allonger enfin la foulée dans les alizés, puis dans de puissants flux d’Ouest pour arriver « à la maison » avec panache.
Il a dit : Corentin Joyon
« Peu de vitesse, peu de sommeil depuis deux journées pleines. Il fait beaucoup trop chaud pour dormir à l’intérieur du bateau. On pense au record en permanence. Heureusement que nous nous sommes dotés d’un beau matelas d’avance dans l’océan Indien, car cet Atlantique Sud a été compliqué, jamais conforme à nos plans de route. On sait que l’on approche de la sortie du pot au noir. C’est motivant. On a hâte de reprendre de la vitesse. Christian Dumard nous avait proposé la route Est suivie par Soldini en 2018. Mais il nous avait prévenu qu’elle était parsemée de zones orageuses. On a choisi l’Ouest, et pour l’instant, on est toujours en avance sur le record, même de très peu! Avec 23 jours de mer non stop, c’est ma plus longue navigation. Je suis en pleine forme. Depuis le passage de l’équateur hier, ça sent le retour à la maison. Si la mer le permet, on espère terminer en fanfare… »