Francis a tranché ! Entre une option courte, au plus près des rivages africains, mais lente, et un vaste et long crochet qui rallonge sa route, il a choisi de déborder loin dans l’ouest l’étirement d’un copieux pot au noir. IDEC SPORT profite ainsi d’un alizé peu virulent sur la face nord de l’anticyclone de Sainte Hélène pour glisser tranquillement aux allures portatives, souvent, au gré des empannages, à 90 degrés de la route directe. Son avance sur le record de Giovanni Soldini oscille ainsi entre une journée et une journée et demie. Francis, Bertrand (Delesne), Christophe (Houdet), Antoine (Blouet) et Corentin (Joyon) n’en nourrissent nulle inquiétude. Ils envisagent toujours une arrivée à Londres au terme de 31 jours de navigation. Pour mémoire, le record de Maserati affiche un temps référence de 36 jours, 3 heures et 37 minutes.
Le chapeau de Napoléon !
« Nous espérons apercevoir ce soir une île en forme de cône, qui rappelle un peu le chapeau de Napoléon. » La boutade signée Joyon traduit on ne peut mieux l’ambiance studieuse mais décontractée qui règne, au terme de 18 jours de course à bord du Maxi Trimaran IDEC SPORT. Chacun des équipiers continue d’apprécier et de profiter des belles conditions de navigation qu’offre l’Atlantique Sud en ces latitudes. « La mer est plate, et la houle orientée dans le sens du vent » précise Joyon. « On glisse bien, sans effort pour le bateau. Quel changement radical après cet Océan Indien chaotique ! L’alizé n’est pas très tonique, mais il nous permet de bien avancer. Tout le jeu consiste depuis 48 heures à demeurer dans la bonne veine de vent, au bord du centre des hautes pressions de Sainte Hélène. On calcule au plus près le moment de déclencher nos empannages, pour naviguer avec un angle de vent optimal. La vie est un peu répétitive depuis Bonne Espérance mais notre concentration est intacte et nous permet d’avancer un peu plus vite que nos routages. »
Contourner le Pot au Noir par l’Ouest
Cette stratégie de course qui vise ainsi à contourner par l’ouest la Zone de Convergence Intertropicale, très étendue en ce début de semaine, pousse le maxi-trimaran vers une curiosité de l’Atlantique Sud, l’île de Sainte Hélène, bien connue des Français et des Anglais depuis qu’un empereur déchu d’origine corse y a séjourné à partir de 1815 et jusqu’à la fin de sa vie, 6 ans plus tard. Pour Joyon et ses hommes, tous très intéressés par l’histoire, c’est aussi la perspective d’apercevoir un peu de terre et de verdure qui les conduira ce soir, et avant la tombée de la nuit, à s’approcher au plus près de l’île volcanique qui culmine à plus de 800 mètres. Napoléon déplorait, paraît-il, l’absence de soleil sur l’île. Un constat partagé par l’équipage d’IDEC SPORT qui compatit gracieusement. « Il fait chaud, et naviguer à plus de 25 noeuds est très agréable » décrit Francis, « Mais nous n’avons plus vu le soleil depuis l’Indien. Le ciel est assez bas, et très gris. » Un détail climatologique qui n’est pas sans conséquence. IDEC SPORT ne dispose plus à bord, et c’était là un choix calculé, que de très peu de gas oil pour faire fonctionner le moteur qui alimente en énergie les instruments du bord. « Nous n’utilisons plus que nos éoliennes et nos cellules photovoltaïques pour créer de l’énergie, et l’absence de soleil pourrait, à terme, s’avérer préjudiciable. Nous allons donc dès aujourd’hui installer notre deuxième éolienne. » conclut Francis.
Il a dit : Bertrand Delesne
« C’est vraiment un beau voyage, un beau périple. On prend la mesure de l’immensité des océans, et on imagine mal ce que devait être la marine à voile d’avant le 21ème siècle. On navigue peu dans ces parages et on espère voir Sainte Hélène ce soir. Une opportunité rare dans une vie de marin. On contourne l’anticyclone de Sainte Hélène à l’inverse de ce que les marins d’un tour du monde pratique. Nous passons au nord. Francis a refusé l’option de Soldini le long de l’Afrique, trop lente et trop aléatoire. On fait route vers Natal au Brésil ! (Rires). Encore un bon millier de milles à suivre ce cap, puis on infléchira franchement vers le Nord. Ca glisse bien pour nous. Les journées sont chaudes et les nuits noires. Le bateau ne souffre pas. On en fait le tour régulièrement car il a accumulé déjà plus de 20 000 miles depuis le départ de Port Louis en Bretagne. La grande nouvelle du jour, c’est que nous ouvrons un nouveau sac de provision. On va pouvoir varier et améliorer notre régime à base de riz et de nouilles! »