Un Atlantique Nord favorable, et un hémisphère sud compliqué. Voilà en résumé le panorama accepté et assumé dès le départ de Brest par Francis Joyon et ses 5 hommes d’équipage à l’entame de leur tentative contre le record du tour du monde à la voile, le Trophée Jules Verne. L’objectif d’atteindre l’équateur en un temps record, un peu plus de 5 jours a été réalisé. Reste à affronter cette semaine l’immense et langoureux anticyclone de Sainte Hélène, véritable arbitre et garde barrière de l’Atlantique Sud. IDEC SPORT a payé ce week-end un octroi élevé pour prétendre rejoindre dans le sud le train des dépressions argentines. Son avance, cause d’aucune jubilation ces premiers jours de course, a disparu, sans entamer le moins du monde le moral de l’équipage qui s’attache à convertir en positif des schémas de route compliqués en bordure des zones de haute pression. Le cap de Bonne Espérance, à la pointe australe du continent africain, livrera dans un peu plus de 5 jours, un premier bilan. Francis Joyon et son commando affichent pour l’heure l’humble et raisonnable objectif d’y limiter les dégâts face à son concurrent désormais virtuel, le Maxi trimaran Banque Populaire V détenteur du Trophée Jules Verne qui, voici 4 années, avec Loïc Peyron à la baguette, y avait signé un extraordinaire chrono.
Tricotage autour de l’anticyclone
« On vient d’empanner car on est allé vite cette nuit et on s’est rapproché de la courbure anticyclonique. On repart un peu vers l’ouest pour retrouver de la pression, avant de reprendre notre progression vers le sud ». Francis Joyon résume en ces termes la problématique de ce début de deuxième semaine de course autour du globe. L’anticyclone de Sainte-Hélène étend loin dans l’ouest ses tentacules, et n’irrigue que faiblement en flux d’est la route du maxi trimaran IDEC SPORT. Contrairement au tenant du titre qui dévalait à ce même stade de la course loin dans l’ouest à très grande vitesse, IDEC SPORT « tricote » dans une quinzaine de noeuds de vent. Une dépression est en phase d’activation à hauteur de l’Argentine, et Joyon et ses hommes la guettent, bien décidés à s’y accrocher pour rallier le sud du continent africain. La plus grande vigilance est de mise afin d’éviter de se brûler les ailes en se laissant happer par les calmes de l’anticyclone. Lucides et concentrés au coeur d’une des phases les plus subtilement délicates de leur tour du monde, les Joyon, Pella, Herrmann, Stamm, Gahinet et autre Surtel s’attèlent à limiter les dégâts en conservant, sous grand voile haute et grand gennaker, un maximum d’inertie dans un vent beaucoup trop faible à leur goût : « On savait depuis le départ qu’on serait en avance à l’équateur, mais qu’on pourrait être en retard à Bonne Espérance » explique sans atermoiement Francis Joyon, « avec des difficultés entre 10 et 20 degrés sud. C’est ce qui s’est passé, de manière un peu plus pénible que prévu. Notre objectif est d’avoir un retard minimum à Bonne Espérance car Banque Populaire V avait fait un temps extraordinaire sur cette partie du trajet. On tricote aujourd’hui le long des hautes pressions sans trop de vitesse. C’est une journée délicate à négocier après un très beau dimanche, où on a filé comme des flèches vers le sud, cadeau du ciel pour l’anniversaire de Bernard. »
Une aventure collective unique
Sous un généreux soleil, avec un ciel sans nuage et sur une mer qu’agite doucement un petit clapot venu du sud, Joyon et ses hommes profitent à plein d’une aventure collective unique. Venus d’horizons aussi différents que la Mini 6,50, le Figaro, le Class40 ou l’Imoca, l’équipage d’IDEC SPORT se découvre jour après jour dans toute la richesse de ses diversités ; « On apprend à se connaitre un peu mieux chaque jour. » souligne Francis, « L’osmose se fait. On est heureux ensemble même dans les situations difficiles. Le système de quart fait qu’on se renouvelle beaucoup sur le pont. On travaille ensemble sur tous les postes du bateau et on se découvre agréablement. » Et le catalan Alex Pella de renchérir ; « Il y a une super ambiance au sein de l’équipage. Francis est très facile, incroyablement calme et gentil, en plus de sa grosse expérience. Je suis enchanté d’être ici avec lui ; j’apprends beaucoup. Il y a une compétition qui s’installe entre les quarts. C’est très bon pour le bateau, très intéressant. On passe 1 heure et demie aux réglages pour préparer le bateau, puis on prend la barre en connaissant parfaitement les réglages du moment. On voit aussi les chiffres et performances du barreur précédent et on essaie de faire mieux. En ce qui me concerne, j’interviens après Bernard (Stamm). Il me chauffe celui-là! (rires). »