Magie des maxi multicoques modernes, les distances, à l’échelle de la planète, semblent soudain bien courtes. Au terme de 4 jours de course dans sa tentative contre son propre record de La Mauricienne, Francis Joyon a débordé à pleine vitesse l’archipel des Canaries, et déboule à présent dans un alizé de Nord Est tonique vers les Iles du Cap Vert. Bien positionné dans un flux de 25 noeuds, il engrange des milles à grande vitesse plein Sud, dans l’attente d’un nouveau moment crucial, cd soir, avec cet empannage pour se recaler dans l’Ouest sous l’archipel Cap Verdien, et viser une porte de passage du fameux pot au noir, cette Zone de Convergence Intertropicale particulièrement active ces derniers jours…
« Je pense perdre un peu temps dès le sud du Cap Vert » avoue Francis sans état d’âme. Sa belle progression depuis le départ samedi dernier lui procure aujourd’hui plus de 330 milles d’avance sur sa propre trace de 2009. Une performance qui l’amène naturellement à se féliciter du bon choix de la date de départ. « La porte s’est refermée derrière nous » explique t’il « et un report de notre départ aurait pu sérieusement compromettre l’ambitieux programme de cet Asian Tour. » Le débordement par l’ouest de l’archipel canarien a apporté son lot d’incertitudes et d’inconstance. « Le dévent des sommets volcaniques de l’île se sont fait sentir et j’ai été fortement ralenti hier après midi durant plus d’une heure. » Depuis, IDEC SPORT ne fait plus qu’accélérer et allonger la foulée. Sa moyenne explose à la hausse, près de 23 noeuds depuis le départ, et Francis devrait signer ce soir sa plus belle journée.
Il profite aussi à plein de ces moments de grâce si rares lors d’un telle tentative. Le soleil et la chaleur au large de La Mauritanie sont au rendez-vous. « Le bateau mouille beaucoup et j’ai gardé le ciré, mais dès les premiers rayons du soleil, la température monte d’un cran à bord d’IDEC SPORT. Le vent est un peu plus régulier en direction, et les rafales atteignent les 27 à 28 noeuds. » Un angle et une force parfaites pour tirer, sans forcer, la quintessence du maxi trimaran qui tutoie depuis la nuit dernière les trente nœuds de vitesse. « Je barre un peu, pour le plaisir. J’inspecte le bateau car mes gars ont fait un super boulot et je tiens à leur amener à l’île Maurice un bateau en super état. J’ai croisé de nuit un petit voilier de plaisance qui cinglait vers le Cap Vert. On a échangé à la VHF et on s’est découvert des connaissances communes… »
Ainsi va Francis, chasseur de records devant l’Eternel, et plus que jamais en phase avec cette vie de marin hauturier, en harmonie avec son bateau, les éléments et ses rêves d’horizons nouveaux…