Francis Joyon et son maxi trimaran IDEC-SPORT ont entamé de la plus belle des manières leur nouveau défi, La Mauricienne, une tentative contre le propre record d’IDEC SPORT établi voici tout juste 10 ans entre Port Louis dans le Morbihan et Port Louis dans l’archipel des Mascareignes sur l’Ile Maurice. Cette belle, longue et si peu usitée route maritime emprunte le parcours des Tours du monde que le marin et le bateau connaissent si bien. Avec plus de 184 milles d’avance sur sa propre trajectoire réalisée avec le maxi trimaran IDEC deuxième du nom (Plan Irens de 2007), Francis se déclare « heureux et satisfait » de ses premières 48 heures. Sa trajectoire depuis la Bretagne jusqu’à l’archipel de Madère qu’il pare en son nord à la mi journée, si limpide en apparence, masque mal les difficultés qu’il a connues dans un vent très instable en force comme en direction. Une configuration de course qui va non seulement se poursuivre mais s’accentuer au fil de sa progression vers le Cap Vert. Francis n’annonce ainsi pas de temps « canon » à l’équateur. Il a d’emblée pris ses marques en mode record de longue haleine, loin de la furie qui l’avait saisie et poussée il y a un an déjà lors de sa victoire historique dans la Route du Rhum.
L’équivalent de 3 Route du Rhum
« Je ne pousse pas mes réglages à fond comme durant le Rhum » explique Francis. « Je pars pour une course de longue haleine, représentant l’équivalent de trois Routes du Rhum. Je me dois de veiller sur le matériel. Ce début de record se passe bien malgré ces passages dans des zones à grains qui me forcent à la vigilance, entre rafales et zones de « molles ». Je suis par exemple en ce moment sous un gros nuage noir qui avance avec moi à petite vitesse. Je progresse en zig zag pour m’échapper de son influence… »
IDEC SPORT a empanné en milieu de matinée pour faire cap plein sud désormais en bâbord dans cet alizé Portugais de Nord Est scandé par les grains. Francis Joyon va déborder l’archipel de Madère par l’ouest en fin d’après-midi. Le passage aux Canaries fait encore l’objet de nombre de réflexions entre le marin et son conseiller météo à terre Christian Dumard. Les zones de hautes pressions ont tendance elles aussi à migrer vers le Sud et le grand trimaran doit à tout prix éviter qu’elles ne le rattrapent. Comme prévu avant le départ, les conditions ne sont pas réunies pour aller titiller les temps références établis en solo ou en équipage sur le tronçon Bretagne-Equateur. Ce n’est pas l’objectif de Francis, attaché à tirer le meilleur parti des conditions qui s’offrent à lui tout en ménageant sa monture. « Nous sommes, avec cet ASIA TOUR, partis pour une belle et longue tranche d’aventure. Je m’impose un savant dosage de quête de performances et de modération, pour le bateau comme pour moi-même. Je n’ai pas du tout dormi la première nuit, comme à l’accoutumée sur ce genre de périple. La nuit dernière, je me suis accordé quelques pauses, mais ces lignes de grains m’ont beaucoup sollicité. »
Heureux qui comme Francis fait un beau voyage.
Le vainqueur de la Route du Rhum, détenteur du Trophée Jules Verne, ressent avec toujours autant de plaisir jubilatoire cet appel du très grand large. « Il est vrai que j’ai plaisir, et que c’est une émotion particulière de renouer avec ce parcours similaire jusqu’en Afrique du Sud à un Tour du Monde. Je retrouve un mode de vie, une harmonie avec la mer et le bateau qui me procurent toujours autant d’émotions. » En polaire et en ciré, Francis entrevoit pour ce soir le moment où l’air se chargera des parfums d’alizés du côté des Canaries et que viendra l’heure des glissades dans la tiédeur africaine.