Auteur d’innombrables traversées de l’Atlantique, d’Est en Ouest, Francis Joyon évolue depuis la nuit dernière en son jardin alizéen. Ciel clair, soleil bien présent, lumière limpide, et cette mer bleu d’azur aux vagues bordées d’écume constituent aujourd’hui le panorama au sein duquel IDEC SPORT évolue en toute aisance. Francis est entré cette nuit dans l’alizé, à coups de 4 à 5 changements de voilure effectués sans rechigner, toujours par anticipation. Les oscillations du vent sur l’arrière du bateau, ses variations en force de 8 à 25 noeuds lui sont familières et c’est d’instinct qu’il les retranscrit en vitesse sur son trimaran géant. Au maximum de ses polaires, voire au-dessus, Joyon est, en ce 4ème jour de course, plus que jamais à son affaire, à l’attaque, à la quête entêtée de vitesse, avec toujours en filigrane ce sixième sens qui le relie à son navire, cet instinct qui lui indique sans même y penser les limites à ne pas dépasser, les lieux où ne pas aller.
Aile de mouette sous l’anticyclone.
Cas d’école pour les routeurs, Francis s’apprête dans l’après-midi à réaliser l’une des figures classiques des grandes traversées, l’aile de mouette,en approche du coeur des zones de haute pression. Il empannera ainsi au juste moment, ni trop tôt pour conserver vitesse et gain sur la route, ni trop tard, pour éviter l’engluement dans les zones déventées du coeur de l’anticyclone. La mer, toujours formée, viendrait alors s’additionner pour arrêter fatalement le bateau. Une fois en bâbord amure, IDEC SPORT va de nouveau avaler les milles efficaces en direction de la Guadeloupe, distante ce soir d’un peu plus de 1 800 milles, soit la mi-parcours théorique de cette Route du Rhum.
Tout donner, sans regret…
« J‘ai bien fait marcher cette nuit » raconte le colosse de 62 ans. « J’ai beaucoup changé de voiles pour m’adapter à ce début d’ alizé qui était très irrégulier. La houle est toujours forte, résiduelle des dépressions passées. Je cherche en permanence l’angle de vent le plus efficace, dans cet alizé qui varie beaucoup, de 15 à 20 degrés. C’est un travail d’attention permanente qui laisse peu de place au sommeil. Je suis plutôt satisfait des foils posés cette années sur IDEC SPORT. Je les ai gardé en permanence y compris dans la tempête, et je crois qu’ils ont été pour moi un gage de sécurité, à défaut de faire voler le bateau. Je suis heureux de disposer d’un bateau au maximum de ses possibilités, avec 100% de ses moyens pour cette deuxième partie de course dans l’alizé vers Pointe à Pitre. Tout peut arriver dans cette course, et je ne veux avoir aucun regret à l’arrivée, quelle que soit l’issue finale ! »