Francis Joyon vient tôt ce matin d’ajouter une nouvelle ligne à sa légende. Il a battu de très exactement 49 minutes son propre record de la traversée de l’Atlantique en solitaire, établi en juin 2013 à bord de son ancien trimaran de 29 mètres IDEC. Il a récidivé en ce début de semaine à bord cette fois du maxi-trimaran IDEC SPORT, ce même plan VPLP à bord duquel il a l’hiver dernier, pulvérisé en équipage le record du Trophée Jules Verne. Pour sa première transat en solitaire à bord de ce géant conçu à l’origine pour un équipage de 12 hommes, il améliore le chrono mythique entre New York et le cap Lizard « à la Joyon », sans préparation préalable aucune, ni stand-by, ni routage météo sophistiqué, juste au talent, à l’envie et à l’incroyable capacité, à 61 ans révolu, de se dépasser toujours et encore dans l’exercice ultime de la navigation en solitaire et en multicoque.
En coupant cette nuit à 03 heures, 37 minutes et 02 secondes (heure française) la longitude du cap Lizard, qui marque la ligne d’arrivée du record de la traversée de l’Atlantique Nord depuis le phare d’Ambrose à New York, Francis Joyon bat de 49 minutes son précédent record. Le World Speed Sailing Record Council va graver le temps de 5 jours, 2 heures, 7 minutes, sur ses tablettes*. « C’était juste » se contente de souligner le marin de Locmariaquer au sortir d’une nuit éprouvante, scandée par de nombreuses manœuvres et empannages pour rejoindre la pointe occidentale de l’Angleterre. « J’étais heureux d’arriver car les dernières 24 heures ont été très éprouvantes » poursuit le roi de l’Atlantique. « Mes pilotes automatiques fonctionnant mal, j’ai du barrer en permanence ces dernières 24 heures, tout en manœuvrant beaucoup dans les nombreux grains, sur un bateau qui butait beaucoup dans la mer. »
A 61 ans, Francis Joyon réalise un nouvel exploit maritime, physique et sportif, dans un contexte totalement inédit pour un record de cette envergure. « J’ai quitté New York dans la précipitation » souligne-t’il. « Je n’ai même pas eu le temps de m’occuper de l’avitaillement. J’ai juste pu acheter quelques oeufs et des bananes. Quant à la nourriture du bord, les gars (sic) avaient tout mangé durant la traversée de The Bridge 2017. »
Point de fenêtre météo ad-hoc étudié de longue date depuis la terre avec l’aide de routeurs professionnels. Joyon a dû faire avec ce que l’Atlantique avait à offrir en ce jeudi 6 juillet au soir. « La météo n’était pas terrible et toute la première journée, j’ai tiré des bords vent debout. Mais le lendemain, un système s’est mis en place. J’ai alors vu le Queen Mary 2 qui repartait vers l’Europe. Je me suis dit que puisque nous n’avions pu le battre à l’aller au départ de Saint-Nazaire, je pourrais peut-être arriver en Bretagne avant qu’il ne rejoigne Southampton. (Où il est attendu demain jeudi ndlr). Je me suis pris au jeu et j’ai attaqué. J’ai passé deux jours à plus de 30 noeuds en permanence. Je craignais l’arrivée sur l’Europe car le vent y soufflait du Nord Est. Mais l’anticyclone des Açores a eu la bonne idée de remonter un peu et de me permettre d’atterrir en Manche avec des vents de Sud Ouest. »
Parti « à l’arrache » de New York, Joyon découvrait aussi en solitaire son maxi trimaran IDEC SPORT. « J’ai fait quelques bêtises lors des envois de gennaker notamment, car j’avais pris l’habitude de me reposer sur des supers marins lors du Trophée Jules Verne. En fait, c’est comme si je retournais à l’école pour réapprendre le B A-ba du bateau. Heureusement, il est très tolérant, même à 30 noeuds… »
Satisfait du devoir accompli, Francis Joyon va s’accorder ce matin quelques minutes de sommeil, tout en faisant route vers son port d’attache de La trinité sur Mer qu’il souhaite rallier le pus vite possible…
- En attente de ratification par le WSSRC